Envoi à Ecotopie
Article de Caroline Veter, publié dans le trimestriel "Greenpeace
Magazine" n 30 de l'été 1996.
(courtoisie de Caroline Veter, Greenpeace Belgique)
Peuples indigènes:
Les Komis
Superficie:
3.200.000 hectares (plus grand que la Belgique)
Ecosystèmes:
Taïga, forêt boréale, marécage, toundra subarctique et montagneuse,
glacier
Essences forestières:
épicéa spruce, mélèze, bouleau, sapin argenté, cèdre
Espèces animales courantes:
La région compte 43 espèces de mammifères et 204 espèces d'oiseaux.
Citons la zibeline, l'ours brun, la biche, l'élan, le castor, la
martre, la loutre, l'hermine, l'écureuil, la belette, le coq de
bruyère, l'oie, le canard siffleur, la sarcelle, le saumon
Menaces:
Déforestation, exploitation pétrolière, exploitation minière,
braconnage
Situées à l'extrémité orientale de l'Europe, le long de l'Oural, les forêts de Komi, d'une superficie de 3,2 millions d'hectares, constituent la plus grande étendue de forêts encore intactes du continent. Les écosystèmes y sont des plus diversifiés et riches, passant progressivement de la forêt boréale au Sud à la taïga subarctique au Nord. Les forêts, montagnes, marécages et rivières de la région servent aussi de refuge à de multiples espèces, telles que l'ours brun, le castor, la loutre, l'aigle à queue blanche et autres espèces animales rares comme le renard polaire.
Une région promise à un bel avenir, dirait-on. Mais on ne pouvait en dire autant avant la nomination par l'Unesco. En effet, en 1994, des sociétés d'exploitation forestière française et autrichienne entament la destruction de la forêt. Elles vont jusqu'à pratiquer la coupe à blanc le long des rivières Ilych et Pechora; la région est aussi menacée par l'exploitation pétrolière et gazière, ainsi que par la construction de routes nécessaires pour permettre ces activités ravageuses. Sans oublier les braconniers, qui jettent leur dévolu sur les espèces rares. Et la crise économique frappant durement le pays a tôt fait de faire oublier ces problèmes d'environnement.
La région a aussi été victime d'une des plus importantes catastrophes pétrolières de l'histoire. En aval des rivières Ilych et Pechora, près d'Ousinsk, le désastre écologique était tel que les communautés de pêcheurs ont été contraintes d'abandonner leurs activités. Cette catastrophe focalisa l'attention du monde entier sur la situation précaire de la taïga russe, une région écologiquement riche, mais en même temps extrêmement fragile. En effet, il faut savoir que la reconstitution de la taïga après une catastrophe pétrolière peut prendre des centaines d'années. Cela est dû au climat froid, à la faible épaisseur de couche active et à la croissance particulièrement lente des plantes.
Les ours vivent de façon retirée et ne sont pas faciles à approcher. Ils hibernent pendant l'hiver, parfois d'octobre à avril. Au cours de cette période, leur respiration devient très faible et leur pulsation cardiaque est cinq fois plus lente que la normale (de 40 à 8 pulsations).
On estime à quelque 250.000 le nombre d'ours bruns dans le monde. Il en reste plus de 10.000 dans l'ancienne Union Soviétique, mais ailleurs en Europe, ils sont menacés de disparition. Les comptages effectués récemment en disent long: 70 en Espagne, 10 seulement en France, 100 en Italie, 40 en Norvège, 250 en Suède et 130 en Finlande. La Roumanie, où vivraient encore plus de 3000 ours, constitue une exception en Europe.
Greenpeace a joué un rôle prépondérant, mais en même temps très particulier, dans l'obtention de cette nomination. C'est elle qui a jeté les bases afin que les vastes écosystèmes de Russie soient reconnus au niveau international. C'est Greenpeace Russie notamment qui a fait pression sur les élus, les autorités gouvernementales et les groupes locaux et régionaux afin qu'ils prennent à leur tour les choses en mains pour sauver ces zones uniques et riches lesquelles seraient, le cas échéant, menacées par un développement industriel incontrôlé.
C'est toute la région de Komi qui tirera profit de cette prestigieuse nomination: protéger les forêts, c'est assurer un développement durable de la république de Komi. Le tourisme est certainement l'activité qui aura l'impact économique majeur. Mais protéger les forêts, c'est aussi garantir la poursuite de l'élevage et de l'agriculture, ainsi que la qualité de l'eau potable.
Cette décision de l'Unesco permettra en outre d'assurer un espace
de vie sûr aux Komis, les peuples indigènes qui vivent depuis des
milliers d'années dans ces forêts. Ces peuples sont pratiquement
auto-suffisants en matière d'alimentation. C'est dire que leur
survie dépend largement de l'environnement naturel qui les entoure:
pêche au saumon et autre pêche à petite échelle; cueillette de
baies, de noisettes et de champignons; chasse au lièvre et aux
oiseaux sauvages,... Toutes des activités témoignant de la
nécessité de maintenir ces forêts dans leur état d'origine. Le
nouveau statut conféré à la région protégera ainsi les habitudes et
styles de vie traditionnels du peuple Komi.
Assurer leur mode de vie, c'est montrer qu'il est possible de vivre
en harmonie totale avec la nature. Peut-être qu'un jour les Komis
nous enseigneront-ils la signification profonde du terme
"développement durable", un terme largement évoqué, mais qui ne
s'est toujours pas concrétisé ni à l'Ouest, ni à l'Est.
Le concept de patrimoine mondial fut instauré par une Convention internationale adoptée par la Conférence générale de l'Unesco en 1972. 140 Etats avaient adhéré à cette Convention au 1er janvier 1995, dont la France, la Suisse et le Luxembourg. La Belgique avait signé la Convention à l'époque, mais ne l'a toujours pas ratifiée. Ce qui signifie qu'elle ne compte toujours pas de patrimoines mondiaux sur son territoire. Pourtant, elle souhaiterait voir repris sur la liste de l'Unesco certaines villes et sites exceptionnels, tels que Bruges, la Grand Place de Bruxelles et le Zwin.
Caroline Veter
Ecotopie