A Rognac, la forêt intégrale, non gérée par
conséquent, couvre une superficie de l'ordre de 10 ha. Trop peu,
diront certains qui estiment qu'en deçà d'une étendue de 50 à 100
hectares une réserve forestière intégrale ne peut couvrir
l'ensemble des phénomènes susceptibles de s'y
dérouler.
Suffisant, penseront d'autres qui considèrent que la
moindre parcelle soustraite à la pression volontaire de l'homme
constitue, dans nos contrées, un havre de dévéloppement pour une
nature libérée de toute entrave.
La forêt garnit les deux
versants et le fond de la vallée du ruisseau de la Neuville, là où
anciennement d'autres spéculations étaient rendues impossibles vu
la raideur des pentes ou les risques d'inondation. La forêt de
Rognac est donc "en place", depuis très longtemps !
On a
toutefois peu d'indications sur la gestion passée du site. Aucune
sylviculture n'y est appliquée depuis près d'un siècle
vraisemblablement et les observations réalisées par de Tillesse
(1994) tendent à montrer que la gestion antérieure aurait favorisé
le régime du taillis-sous-futaie.
Les versants frais constituent le lieu de prédilection
des fougères : fougère femelle, dryoptéris des chartreux,
dryoptéris dilaté, fougère mâle, blechnum en épi, langue de cerf,
notamment entre les moellons de l'ancien pont...
C'est là en
outre que sont concentrées les populations de luzules : luzule
blanche, luzule pileuse et luzule des bois.
Çà et là, un hêtre
remarquable par ses dimensions a fait le vide sous sa couronne.
Qu'une branche énorme se brise et tombe suite à la tempête, il n'en
faut pas plus à la digitale pourpre pour constituer
d'impressionnantes colonies.
De nombreuses sources permettent,
tout au long des versants, le développement de fragments d'aulnaie
à laîche espacée, dorine à feuilles opposées, lysimaque des bois et
grande fétuque.
Sur les colluvions et alluvions au bas de ces
couloirs de suintement, le groupement s' enrichit en espèces telles
la balsamine des bois et la laîche pendante. Il faut souligner
l'intérêt exceptionnel de ces groupements qui partout régressent
sous l' effet des traitements forestiers.
Des éboulis et des
affleurements rocheux apparaissent sur la rive gauche du ruisseau
en aval de la cascade du Pont Madame; ils sont colonisés par une
intéressante végétation bryophytique à Heterocladium heteropterum
et se singularisent par la présence du très rare polystic à
soies.
Sur la rive droite, on note encore, sur les blocs
erratiques à proximité des sources, une hépatique à odeur
aromatique (Conocephalum conicum).
Les champignons ont également
fait l'objet d'inventaires réguliers depuis une dizaine d'années :
des dizaines d'espèces ont ainsi été recensées à ce jour.