La ferme "Arc-en-Ciel"
Par Etienne Rouard, paru dans le Bulletin de Permaculture et
d'Agriculture Naturelle, printemps 1996.
Avant de s'installer en
Belgique, Marcelle et Rudolph Koechli ont été coopérants dans le
Tiers-Monde. Ils ont collaboré à divers projets agricoles en
régions subtropicale : conception d'un système d'irrigation dans
des plantations de coton et de tournesol en Israël, organisation de
coopératives rurales regroupant des exploitants de cultures
vivrières (riz et soya) en Indonésie, expérimentations de cultures
locales au Zaïre avec essais de compostage,...
Mais, "face à
l'inadaptation des aides et à l'hypocrisie d'un système économique
occidental qui exploite le Sud plutôt que de l'émanciper, nous
avons préférer revenir en Europe", concèdent-ils. "Nous voulions
tenter de créer un modèle de développement rural alternatif, dans
un esprit de justice sociale et un soucis constant
d'écologie."
Autosuffisance
En 1987, ils ont racheté une
ferme de dix hectares à Wellin. Ils y expérimentent les principes
de l'autosuffisance, tant énergétique qu'alimentaire, voire même
vestimentaire.
Par exemple chez eux, l'eau des conduites
provient d'une citerne d'eau de pluie reliée à un système
hydrophore. Les trente mètres-cubes qu'elle peut contenir couvrent
l'entièreté des besoins du ménage mais aussi de la ferme. "L'eau
est plus douce, plus potable (grâce à un filtre à osmose inverse)
que celle de la commune !..." nous glisse Rudolph,
narquois...
La chaudière du chauffage central fonctionne au
bois. Sur le toit, des panneaux solaires procurent une bonne partie
de l'eau chaude.La permaculture ou agriculture
pérenne
Pour assurer l'approvisionnement en légumes, céréales
et fruits, les Koechli pratiquent une agriculture particulière : la
permaculture. Pour éviter les écarts de température et l'érosion,
les sols sont recouverts en permanence d'une couche de matériaux
organiques (compostage en surface) ou encore ensemencés de diverses
plantes (engrais verts). La monoculture y est bannie. Les cultures
sont alternées, associées pour recréer un équilibre naturel et
limiter les attaques nuisibles.
En fait, ici l'espace est
aménagé dans la complémentarité : les haies protègent du vent et
servent d'abris aux précieux auxiliaires (passereaux), les canards
y mangent les limaces qui pourraient occasionner des dégâts, les
brebis fournissent un complément de fumure par leur fumier d'hiver,
les abeilles améliorent la pollinisation des fleurs qui deviendront
fruits, céréales, légumes-fruits, etc.
Par son expérimentation,
Rudolph est à la recherche d'une alternative - transposable dans
toutes les contrées -à l'agriculture des Occidentaux qui, elle,
détruit les sols et pille les ressources de la planète (pétrole,
soya importé,...). Il a réduit la mécanisation au minimum (pas
d'apport extérieur d'énergie). L'outillage du jardin est
exclusivement manuel : "grâce au compost de surface, nul besoin de
labourer ou de bêcher le sol. Un travail superficiel en surface est
largement suffisant. Il vaut mieux respecter les cycles de la
nature et non les contrarier pour répondre à des principes humains
productivistes qui mettent en péril le "capital naturel" de
l'humanité à court terme."
Afin de réduire les interventions
humaines dans les cultures, des espèces rustiques sont employées :
épeautre, tomates de montagne, légumes non hybrides. Dans la mesure
du possible, les graines aussi proviennent du jardin et sont
récoltées et ressemées d'années en années.Un mode d'élevage
en autarcie :
Mais revenons à nos brebis : "Ce sont des
laitières belges", nous dit Marcelle. "Cette race très rustique
était en voie de disparition. Elle est très bien acclimatée et ne
nécessite aucune médication (en dehors d'un vermifugeage tous les
six mois)."
Le troupeau compte une vingtaine de mères; elles
portent toutes un prénom. Bien entendu, la ferme fournit 100 % de
l'alimentation. L'été, les brebis paissent en prairie naturelle
(très diversifiée); l'hiver, elles reçoivent foin et betteraves
fourragères.
Afin de préserver le rythme naturel des brebis, les
agnelages ont lieu seulement de février à avril. La lactation
interrompue à la fin de l'automne reprend alors. La traite est
manuelle.La transformation du lait
Le lait de brebis
est plus riche que le lait de vache. Il est aussi généralement
mieux digéré, surtout par les jeunes enfants.
C'est Marcelle qui
fabrique les fromages : le "Berbidou", tomme à pâte dure, la "feta
de Wellin" et les fromages blancs.
La tomme se fabrique comme
suit : le lait est présurisé, lorsqu'il est caillé, il est découpé,
égoutté, puis pressé. Ensuite, les roues ainsi obtenues sont
trempées dans la saumure (eau + sel marin) à raison de huit heures
par kilo de fromage. De cette manière, elles sont mieux imprégnées
que par un simple salage à sec.
Lors de l'affinage, les roues
sont régulièrement lavées à la saumure pour prévenir l'apparition
éventuelle de champignons indésirables. Pour les fromages blancs,
Marcelle emploie du sel marin et des condiments (ail, herbes
aromatiques) issus du potager. Leur fabrication commence à la fin
des agnelages, début mai jusqu'à octobre.
Etienne Rouard
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