(Article de Joëlle Delvaux, paru dans "Troc en
Stock" n 2 (courtoisie d'Alain Lemaître) © Cauris asbl )
Et si on s'échangeait des savoirs ?
Suivre un cours d'aquarelle contre une aide en mécanique automobile. Donner des conseils en photographie contre des cours de cuisine végétarienne. Initier à la passion de l'escalade contre l'apprentissage du néerlandais: les réseaux d'échanges de savoirs représentent une initiative originale et enrichissante.
Mais bon sang, il suffisait d'y penser: mettre en relation des personnes qui veulent acquérir des savoirs avec celles qui proposent de les transmettre: tel est le principe somme toute très simple sur lequel est bâti le projet du réseau d'échanges de savoirs.
C'est dans les années 70 qu'est née de l'imagination
d'une institutrice française, Claire Héber-Suffrin,
l'idée du "Réseau d'échanges de savoirs".
Confrontée aux difficultés d'apprentissage scolaire et de démotivation de ses élèves, elle réalise combien ces derniers détiennent des savoirs non reconnus par l'école. De cette constatation découle toute la philosophie des RES: chacun sait quelque chose et chacun peut transmettre son savoir.
Claire Héber-Suffrin donne la possibilité à ses élèves de transmettre leurs savoirs (danse, réparation de vélos, etc...). Le fait d'enseigner place alors ces enfants dans une position valorisante car ils prennent conscience de leur capacité et, dès lors, l'envie d'apprendre leur revient.
D'abord appliquée en classe, cette initiative est ensuite étendue à l'échelon communal et bientôt reconnue comme un outil d'insertion sociale sans équivalent. De là naquit son succès à Orly même puis ailleurs en France.
Les RES ont par la suite essaimé en dehors des frontières
de l'hexagone: en Suisse, en Espagne et en Belgique, depuis 1987. Aujourd'hui,
une quinzaine de réseaux existent à Bruxelles et en Wallonie
tandis que la mise en route est plus lente dans la partie néerlandophone
du pays.
Réciprocité
Comme l'explique Cl.Chauvier dans le mensuel C4 qui vient de lancer un RES, l'échange des savoirs s'effectue sur le mode de la réciprocité ouverte: toute offre suppose une demande et toute demande est accompagnée d'une offre, à plus ou moins long terme. Et cela, sans médiation d'argent. Juste la volonté de connaître et de faire connaître. Un réseau parallèle aux réseaux classiques d'apprentissage et où les connaissances ne se monnaient pas, sont sur pied d'égalité.
"Certains pensent qu'ils ne savent rien ou que leurs connaissances n'intéressent personne. Or, c'est le contraire: chacun a quelque chose à transmettrre, découvrant ainsi lui- même ses propres richesses. C'est tout aussi valorisant pour celui qui offre que pour celui qui reçoit. Sans parler des liens qui se créent, des amitiés qui naissent ... En cela, le RES cultive la solidarité, rompant le carcan individualiste dans lequel chacun a tendance à se retrancher", explique Jean-Marie Baudlet, cheville ouvrière du RES d'Ottignies - Louvain-la- Neuve.
Le responsable poursuit: "Le RES est ouvert à tous: jeunes et moins jeunes, retraités, personnes actives ou momentanément sans travail. La position sociale, le niveau d'études, la nationalité, la profession n'ont pas d'importance. Aucun diplôme n'est requis. Ces échanges sont interculturels et inter- générationels. Pour les uns, la participation au RES sera l'occasion de compléter une formation tandis que les autres y verront la possibilité de concrétiser une passion secrète".
Bref, on l'a compris, tout le monde est le bienvenu au sein des RES, "l'expérience de chacun étant le trésor de tous". Les savoirs ne sont pas non plus restrictifs et peuvent répondre aux demandes les plus variées: parler une langue étrangère, apprendre le droit, la plomberie, le tricot, le maquillage, les échecs, etc. Savoirs intellectuels, savoirs manuels, savoirs-faire et savoirs issus de l'expérience sont transmis dans le but de valoriser chaque individu.
Concrètement
Chaque réseau prévoit ses règles de fonctionnement,
son calendrier de réunions, son agenda de fêtes et activités.
Mais les projets sont évalués à l'aune de la réciprocité
tandis que les organisateurs sont attentifs à ce que chaque individu
soit acteur, y compris en ce qui concerne l'élaboration de l'information,
du pouvoir de décision et des méthodes et moyens de l'apprentissage.
Concrètement, une personne intéressée à
l'échange s'adresse à l'équipe d'animateurs du réseau.
Lors d'une première mise en relation, un membre de cette équipe
est présent et ce, afin d'éviter les malentendus divers.
Lors de son inscription, la personne remplit une fiche d'identification
où sont précisés les offres, demandes et échanges
déjà conclus.
Des échanges qui peuvent être bilatéraux (deux personnes s'échangent mutuellement des savoirs différents) mais qui sont surtout multilatéraux (A apprend à B qui apprend à C qui apprend à B, D apprenant à A) ou collectifs (tels les cours de langue ou les ateliers théâtraux).
Il est clair que les RES présentent des atouts extraordinaires . On peut les envisager comme une forme d'enseignement. Avec la solidarité et la créativité comme philosophie...
Coordination R.E.S.:
Le Méridien
68, r. du Méridien
B-1210 Bruxelles
Tel : +32 2 218 56 08 Fax : 58 54
La France compte 600 RERS (réseaux d'échanges réciproques et de savoir).
Contact: Madame Diama Kebe
3 bis, cours Blaise-Pascal BP 56
F-91002 Evry
Téléphone: +33 (0)1 60 79 10 11
Réseau d'échange réciproque
de savoir et de création collective
"Le cercle des savoirs reconnus"
Claire et Marc Héber-Suffrin.
Paru aux éditions Desclée de Brouwer
Cassette vidéo "Savoirs de braise".
Une vidéo de M. Wynands et M.J. Jamar
Location au Centre vidéo de Bruxelles
Tél. 02/245.13.45.
Paul De Neyer, avril 2003.