(d'après: "Amérique latine, radiographie d'une réussite" de Maria Otero, vice-présidente de Accion International, dans le "Courrier de l'Unesco" de janvier 1997 et un article du bulletin d'information du CGAP)
En 1992, Prodem devient Banco Solidaridad (BancoSol), première
banque commerciale privée du monde entièrement consacrée
au financement des microentreprises. Cette conversion s'est justifiée
par la forte demande de crédits, pour offrir un service d'épargne
et pour avoir accès au marché des capitaux. Pour la circonstance,
Prodem avait converti ses 4 millions de capital en actions.
Comme à Grameen, les prêts sont accordés, en général,
à des groupes solidaires (4 à 7 personnes). Le client doit
avoir créé son affaire au moins un an avant de postuler pour
un prêt. Le prêt démarre à 100 $ par emprunteur,
pour une durée qui n'excède pas 60 jours. BancoSol accorde
des prêts à partir de 80 $ (les banques traditionnelles boliviennes
ne consentent, en général, pas de crédits inférieurs
à 3 000 $). C'est aussi la seule banque qui n'exige pas de dépôt
minimum pour ouvrir un compte d'épargne.
En 1994, BancoSol a le meilleur taux bolivien de rendement des actifs.
En 1996, la banque, implantée dans les grandes villes de Bolivie,
a 29 agences et 70 000 clients (40 % de la clientèle bancaire bolivienne).
Son portefeuille pèse 35 millions de $ (1/4 de dépôts)
et 80 millions de $ sont prêtés par an (prêt à
court terme moyen: 600 $).
Réussite remarquable pour une banque qui dit avoir une majorité de clients femmes (78 %) et indiens considérés comme insolvables par les banques traditionnelles.
(d'après: "Indonésie, un vaste réseau" de Marguerite S. Robinson, anthropologue, dans le "Courrier de l'Unesco" de janvier 1997)
Cette réussite vient de la base financière très
solide, l'épargne des agences locales, de taux comparatifs aux taux
du marché, des gains réinvestis, des frais de fonctionnement
très bas et de formules d'épargne séduisantes.
La BRI prouve aussi qu'on peut pratiquer le microcrédit avec
profit. Le taux d'intérêt pratiqué n'excède
pas 1,5 % mensuels (si les délais sont respectés) alors que
les prêteurs traditionnels demandent de 5 à 40 % mensuels
aux petits emprunteurs.
Sources:
Historique
En 1974, Mohammad Yunus, professeur d'économie à l'Université
de Chittagong au Bangladesh, descend de sa chaire pour aller dans les campagnes.
La terrible famine de cette année le met, cruellement, face à
la vanité des théories économiques qu'il enseigne.
Cette visite sur le terrain lui suggère de mettre au point un
système de crédit non usurier pour sortir ses compatriotes
de la misère. Désireux de convaincre les banques traditionnelles
avec son système, il se porte, personnellement garant pour les emprunteurs.
Malgré ses réussites (son champ d'action s'étendait
à des villages puis des régions), il ne parvint pas à
convaincre des banques traditionnelles de s'y investir. C'est ainsi qu'il
lance, lui-même, en octobre 1983, la Grameen Bank ("grameen" signifie
"rural" en bangladais). Le gouvernement bangladais y contrôle 10
% du capital, le reste appartient aux emprunteurs.
Au début, Grameen prêtait aussi bien aux hommes qu'aux
femmes, mais les femmes étaient minoritaires en raison de la peur
d'emprunter. En six ans, les gestionnaires arrivèrent à équilibrer
le nombre de clientes et de clients. Avec l'expérience, ils trouvèrent
plus intéressant de prêter aux femmes qu'aux hommes, car celles-ci
avaient une vue à long terme et quand leurs revenus augmentaient,
c'étaient les enfants qui en profitaient les premiers. C'est ainsi
que la priorité a été donnée aux femmes et
qu'en 1996, 94 % des clients de Grameen étaient des femmes. Des
cours ont été donnés aux femmes pour faire face aux
problèmes que ce "favoritisme" pouvait engendrer dans leur ménage.
En 1994, Grameen comptait 854 agences et plus de 100 000 membres. En
1995, 12 000 personnes y étaient employées.
Fonctionnement et résultats financiers
Pour obtenir un prêt, les femmes doivent se regrouper par cinq
(un seul membre par ménage). En général, la future
cliente passe d'abord un mois pour apprendre à signer de son nom,
découvrir Grameen et mémoriser les 16 "décisions"
en matière de comportement social avant d'être accepté
officiellement. Au début, deux d'entre elles recoivent un prêt
pour 5 semaines. Pendant ces 5 semaines, les 5 femmes doivent suivre des
cours de ménage, santé, planification familiale et éducation
générale. Si à la fin de ces 5 semaines le prêt
est remboursé, les deux femmes suivantes peuvent recevoir leur prêt.
Après quelques semaines, si les quatre premières femmes ont
bien remboursé leur prêt, la dernière peut, elle aussi,
recevoir son prêt.
Chaque emprunteur doit aussi déposer un taka (0,25 $) et 5 %
de l'argent emprunté chaque semaine.
85 % des actions sont détenues par des membres individuels.
De plus, 9 directeurs de la banque sur 13 sont des clients élus
par d'autres clients.
C'est ce système solidaire qui est à la base de la réussite
de Grameen et du taux exceptionnel (98 %) de recouvrement qu'elle annonce.
Fin 1995, l'épargne cumulée des membres excédait
125 millions de $. 1,6 milliard de $ en prêts a été
décaissé. 300 000 maisons ont été construites
grâce aux prêts.
Malgré la diminution des aides extérieures, Grameen dépend
toujours de subventions. Si la banque payait les taux du marché
pour les crédits qu'elle perçoit elle devrait prélever
un taux d'intérêt supérieur de 21 % pour couvrir l'ensemble
de ses frais.
L'envers du décor
En 1994, Aminur Rahman, étudiant de doctorat en anthropologie
à l'Université du Manitoba, entrepris de vivre pendant onze
mois dans un des premiers villages à avoir bénéficié
des programmes de Grameen. Les faits découverts sont troublants:
violences des maris sur les femmes bénéficiant d'emprunts,
détournement des emprunts au profit du conjoint ou un parent masculin,
utilisation des emprunt pour payer une dot, des médicaments, le
placement à l'étranger de parents,... Des femmes emprunteraient
à d'autres prêteurs en raison de leurs dettes.
Selon l'ONG World Development, 55% des emprunts sont utilisés
pour acheter de l'alimentation, 5 % des crédits ruraux sont réellement
utilisés par des femmes et 22 % des emprunteuses ne connaissent
pas la destination de l'emprunt confisqué par les hommes de la famille.
En 1998, les inondations catastrophiques de l'automne ont ruiné
de nombreux emprunteurs et Grameen a dû emprunter 100 millions de
$ à la Banque centrale du Bangladesh.
En juillet 1999, la Banque Mondiale a prêté 17 millions
de $ à Grameen.
Il est évident que l'initiative de Grameen a des relents libéraux
et ne réjouit pas les partisans du "tout-de-l'Etat".
Les personnes qui cherchent une certaine objectivité seront
néanmoins choquées de voir le nom et la fonction de quelques
personnes qui côtoyent Muhamad Yunus au sein du Comité exécutif
de la Campagne du Sommet du microcrédit:
Alberto Fujimori, président du Pérou; Robert Shapiro,
pdg de Monsanto et George Soros, financier!
Grameen n'est pas qu'une banque
Grameen donne aussi des cours aux femmes et a de nombreux projets:
Grameen Bank
Mirpur Two
Dhaka - 1216, Bangladesh
Fax/Phones: +880 2 803559, +880 2 801138
http://www.grameen.com/
© Paul De Neyer, novembre 1999.